La chapelière venue du design
Par Maurice Zytnicki le 15 décembre 2021
Kathleen Scully commence une nouvelle vie et de nouveaux projets. Elle était designer chez Louis Vuitton, habitait Paris. Il y a un an, elle s’installe à Sceaux, ville qu’elle découvre par hasard en 2019 lors d’une visite du parc, elle se lance dans la fabrication de chapeaux, sa passion. Depuis l’enfance.
Elle a grandi dans le centre de l’État de New York, une région connue sous le nom de Finger Lake. « Quand on regarde une carte, explique-t-elle, on a l’impression que l’empreinte d’une main a été enfoncée dans la terre. Elle est connue pour ses belles collines ondulées, très vertes en été, et sa neige abondante. Parfois aussi tôt qu’en octobre et aussi tard qu’en mai. Mon père, de descendance irlandaise, et ma mère, de descendance canadienne française, se rencontrent à leur premier emploi de technicien en radiographie. »
Sa maison est entourée d’un jardin généreux où poussent des framboises, du raisin, des sapins en grand nombre pour les besoins des Noëls.
Les matières et les couleurs
La relation avec le textile remonte à sa plus tendre enfance. « Ma mère faisait beaucoup de nos vêtements, même nos robes de bal (prom). Je les ai toutes gardées précieusement. C’est en dessinant que j’ai pu travailler avec elle pour modifier les patrons, choisir les matériaux, comprendre ce qui entre dans la fabrication d’un vêtement. »
À 18 ans, elle déménage à New York City pour suivre les cours du Fashion Institute of Technology. Elle travaille pour Koos (van Den Akker), un petit studio qui fabrique du sur-mesure. Elle est designer de vestes, des pulls, des foulards et des sacs à main. Puis, chez Ann Taylor, elle travaille sur des tissages, des tricots, des costumes et des accessoires. Ce sont 4 collections par an. Ce sont des couleurs par dizaines à créer, de nouveaux imprimés.
« Après presque 6 ans chez Ann Taylor, j’ai décidé de retourner à l’école et j’ai été acceptée dans le programme Master en design industriel du Pratt Institute, Brooklyn. Un programme intensif de trois ans, de 2007 à 2010. En 2011, j’ai commencé à travailler pour Tumi. Une entreprise de sacs d’affaires et de voyage haut de gamme. » Elle est dans le cuir, le nylon, les systèmes de fermeture ou de rangement, il faut penser à tout. Le design, c’est de la créativité avec le souci du détail.
En France
En 2015 se produit un événement comme il en survient peu dans une vie. Elle est contactée de façon inattendue par un chasseur de têtes qui dit travailler pour Louis Vuitton. Méfiance. Kathleen pense que c’est une plaisanterie. Dans les phases préliminaires de recrutement, aux États-Unis, l’entreprise ne se présente pas. Les choses sont beaucoup plus progressives. On lui propose d’envoyer un book (expression standard chez les créatifs) ; elle vérifie l’adresse, croise les doigts et l’expédie.
Elle a postulé sans y croire. Pas de réponse. C’est plusieurs mois plus tard qu’elle reçoit un coup de fil. Le directeur des RH Louis Vuitton. Ce sera bientôt une visio, puis une autre. On la teste, on veut savoir ce qu’elle a dans le ventre. Épreuve : le design d’un bagage. J’ai vu le contenu. Impressionnant dans son niveau de détail. Le dossier est épais. Elle est recrutée.
Elle travaille au Pont-Neuf, rive droite, face à la Samaritaine et découvre à Paris une entreprise qui la fascine, gigantesque, internationale, touche-à-tout, extraordinaire. Tout est nouveau : les matières, les méthodes, les fournisseurs, le réseau, la puissance d’une présence mondiale. Tout est intense. Cela durera plus de 4 ans.
« Avec le début du Covid, beaucoup des projets ont été retardés et annulés. Je venais de m’installer à Sceaux, j’ai trouvé que c’était le moment de me concentrer sur moi-même. J’ai refait mon appartement, de fond en comble ; je dirais métaphoriquement, jusqu’aux racines, et pour suivre la métaphore j’ai planté de nouvelles racines ici, à Sceaux. »
Un nouveau moment
Kathleen Scully vient d’un pays où il fait froid l’hiver. On s’y couvre la tête. C’est même indispensable. C’est ainsi qu’elle a pris l’habitude d’inventer des chapeaux, de s’inspirer des modes anciennes. Elle aime les années 20 (les chapeaux cloches), les années 30, les bérets, les casquettes titi parisien. Quand, pour la démonstration, elle passe sur elle quelques-unes de ses créations, on comprend combien elles font corps avec elle. Elle est gaie, spontanée, naturelle. Ses chapeaux la continuent. Quand elle les montre, ses doigts sur le tissu glissent avec la tendresse de celle qui crée de ses mains.
Elle aime le lin, le cachemire dans des combinaisons légères ou compactes, varie ses couleurs : le gris, le bleu, le noir, le bordeaux. Son projet ? Créer, fabriquer et vendre ses chapeaux. En ce moment, elle monte son affaire. Elle a créé un réseau qui lui donne accès à de belles matières. Elle dispose déjà de plusieurs dizaines de chapeaux, s’est équipée pour en produire et commence à construire des canaux de vente.
« C’est donc maintenant que je boucle la boucle et que je retrouve une passion ancienne, les chapeaux. Sceaux m’offre le privilège d’être à 40 minutes des fournisseurs de tissus, où je peux acheter des chutes de designers du luxe. Je suis à sept minutes à pied du Parc de Sceaux, dont j’aime l’air et la verdure. C’est un équilibre parfait où, même après cinq ans en France, tout est nouveau et très inspirant pour moi. Comme je commence modestement, chaque pièce est fabriquée à la main, une par une, dans mon home studio. Je me procure tous mes matériaux à Paris dans des magasins qui vendent des tissus de créateurs. »
La Manufacture récemment inaugurée lui offre des ouvertures. Son orientation très économie circulaire correspond à ses valeurs et à son envie.
Le charme discret de la coiffe
Au-delà de son goût non modéré pour lui, Kathleen Scully voit dans le chapeau l’accompagnement qui termine la tenue, qui affiche quelque chose de soi et place sur la tête une sorte de signe. Elle aime le temps où tout le monde en portait. Ce temps-là avait de l’élégance ; il était flatteur, gratifiant. Et, pour elle, il revient !
Elle a pour elle une offre pensée depuis 20 ans avec une variété de styles, une offre surtout conçue par une designer aux expériences multiples qui s’unifient maintenant. Une offre de pièces uniques. Vous la trouverez en ligne sur le site de Kathleen Scully.
New York Magazine.
Times Square on the way to work January 2007.
That is me there in a matter jersey polka dot version of my Classic Cloche.
At The Fashion Institute of Technology opening of “Papiers a la Mode: Illusions of Fashion” I was photographed by the wonderful Bill Cunningham.
At the same FIT event I was noted as a “Very stylish person” by Japanese Vogue.